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La corporate gouvernance se trouve au pied du mur (2/4)


Article

Agefi - 25 juillet 2002

Rubrique Repères

NDLR :

Cet article sur la corporate governance est le second d’une série de quatre articles hebdomadaires qui aborderont ensuite les dysfonctionnements du pouvoir des conseils d’administration et les pistes qui s’ouvrent pour tenter de restaurer la confiance parmi les investisseurs.

Partie 1 - 2 - 3 - 4

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MANAGEMENT - L’image d’Epinal de la Suisse a été mise à mal par l’ampleur des récents scandales économiques et financiers

l'agefi - Quotidien de l'agence économique et financière à Genève

Le rôle du conseil d’administration aurait dû être pensé en terme de management et non par des obligations définies dans la loi.

Par Olivier Terrettaz *

En Suisse, comme ailleurs, nous n’avons pas été épargnés ces derniers temps par les scandales économiques et nous avons été surpris par l’ampleur des crises, pensant être à l’abri de ce genre d’affaires. Afin de comprendre l’enjeu majeur de la détention du pouvoir et du détournement de celui-ci au profit de quelques hauts dirigeants, quelques cas suisses méritent d’être mentionnés.

Souvenez-vous de la SGS et de sa guerre des clans qui profitait à certains actionnaires ainsi que du droit à l’information donné avec parcimonie à certains administrateurs, de Kuoni dont une personne bénéficiait d’indemnités démesurées et n’ayant aucun rapport avec la bonne marche de la société, du groupe Zurich avec une stratégie pour le moins audacieuse développée dans le secteur de l’assurance et de Sulzer qui effectuait des changements de stratégie à chaque événement ! Concernant le Credit Suisse, le cumul de fonction et l’affairisme de son président, qui ne devait pas avoir beaucoup de temps à donner à la banque, ne pouvait que nuire aux intérêts mêmes de cette dernière. Et que dire de Swissair, qui a démontré à lui seul toute la faiblesse du système suisse.

 

Tous ces exemples montrent simplement

la toute puissance du management et la réduction du rôle

de l’assemblée générale et du conseil d’administration

à celui de «chambres d’enregistrement».

 

Le «système suisse» est fait de participations croisées et de liens personnels, voire de consanguinité, d’interdépendance et de conflits d’intérêts majeurs, d’un manque de personnes compétentes pour accéder à de telles responsabilités et de cumul de fonctions inacceptable. De plus, les administrateurs ne disposent pas toujours du temps nécessaire à l’exercice de leur tâche et ont parfois des difficultés à obtenir les informations nécessaires à l’exercice de leur fonction. Nous sommes bien loin des principes d’un bon gouvernement d’entreprise qui suggère pourtant l’idée fondamentale de: «qui est responsable dans l’entreprise ?» et par conséquent déterminent qui détient le réel pouvoir dans la société et qui est responsable de qui ?

 

Certains spécialistes estiment à plus de 80%

de nominations des administrateurs par cooptation

 

A la vue de ces différents maux qui gangrènent l’économie suisse et pour tenter de répondre aux questions précédentes, il est certainement possible d’affirmer que le pouvoir est détenu dans les faits par le management et parler sans équivoque d’une «dictature du pouvoir». Il est donc impératif de rééquilibrer ce pouvoir afin que les organes jouent véritablement le rôle qui leur est imparti, ainsi les actionnaires seraient protégés contre certains agissements du management, comme par exemples l’expropriation d’actifs à des prix de faveur par les dirigeants, la recherche de rémunération et d’avantages en nature injustifiés ou la politique de croissance et le réinvestissement du cash-flow pour satisfaire une mégalomanie des dirigeants. C’est donc par la pression des investisseurs et de l’opinion publique exercée sur l’économie que la Suisse s’est dotée, à toute vitesse, d’un code de bonne pratique de gouvernement d’entreprise.

 

Dans la précipitation,

quelques règles de Corporate governance fondamentales

ont été laissées de côté.

 

Le texte final qui est entré en vigueur le 1er juillet dernier est pour le moins dilué, assoupli et par trop nuancé. C’est l’auteur du code lui-même qui l’affirme. Lors de la conférence annuelle 2002 d’economiesuisse, le professeur Peter Böckli a souligné que «le code contient, ni plus, ni moins, des recommandations qui s’alignent sur des minima». Ce dernier ne contient donc pas de principes comme ceux d’«une action, une voix» ou de «comply or explain» qui demandent aux entreprises de rendre compte de la manière dont elles se conforment aux normes qui leur sont imposées. Les investisseurs auraient pourtant apprécié ce type de signaux positifs…

Le rôle du conseil d’administration aurait vraiment dû être pensé en terme de management et non simplement par l’énumération d’obligations définies dans la loi. Le code aurait ainsi pu parler de stratégie, de pilotage et de contrôle au lieu de haute direction ou surveillance. Aucune référence à la véritable indépendance du conseil d’administration et de leurs membres, sauf en ce qui concerne la notion d’administrateurs non exécutifs qui est toutefois une conception très étroite de l’indépendance. La définition de la taille du conseil reste également très vague et pourtant nous savons que les équipes qui dépassent douze membres peinent vraiment à fonctionner, voire ne fonctionnent plus du tout. Enfin, le code mentionne que le conseil d’administration doit veiller à faire le point sur sa performance sans pour autant formuler de quelconques critères d’évaluation

Autre fait à relever, les documents concernant la mise en consultation du code en septembre 2001 étaient tous en allemand et n’ont été traduits en anglais qu’à la fin octobre. Donc, les personnes ne parlant pas l’allemand n’ont eu que quelques jours, soit jusqu’au début novembre, pour émettre leur avis !

Précision, la moitié, si ce n’est pas plus, des actionnaires de sociétés cotées à la Bourse suisse sont étrangers et sachant que la langue usitée est l’anglais, les conclusions sont claires : toute thérapie doit être évitée, puisqu’elle aurait été un aveu de maladie… car en Suisse nous péchons par orgueil !

* Conseiller en économie d’entreprise, auteur d’un mémoire sur l’adaptation du conseil d’administration en Suisse au regard du gouvernement d’entreprise (www.jurilivres.com).

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